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Suis-je normale ?



Pendant une partie de ma vie je vivais au rythme de ce qu’on attendait de moi. J’étais en quelque sorte la bonne pâte. A suivre les envies des autres. A copier la manière dont il fallait s’habiller. A aimer la même chose que ma voisine. A ne jamais poser de choix. A préférer arranger les autres plutôt que de m’écouter. A penser que les opinions de ceux qui m’entourent avaient plus de valeur que les miennes. A me fondre dans la masse. A ne jamais prendre la parole. A être toujours d’accord. A ne pas exister.


A être normale, tout simplement. Car je croyais que la normalité était ce vers quoi il fallait tendre. Qu’il fallait faire, dire et penser comme tout le monde.


Par exemple, quand j’étais en primaire, mon meilleur ami était trisomique. Je passais beaucoup de temps avec lui. Puis dans mon adolescence, j’ai passé une partie de mes week-end avec des personnes handicapées. Ça ne me posait aucun problème. C’était joyeux, paisible, doux, bref de bons moments.


Mais un jour j’ai réussi, en écoutant les autres, à intégrer quelque chose qui est à l’opposé de ce que je vivais depuis toujours. A l’opposé de mes valeurs. J’ai ressenti du dégoût pour les personnes qui portent un handicap. Dès que je mangeais à la même table qu’une personne qui bavait j’avais envie de vomir. C’est violent non ? Parce que quelqu’un a décrété un jour que les personnes qui portent un handicap sont anormales, je l’ai intégré dans mes émotions et mon ressenti.


Je pense que cette expérience a amorcé chez moi ce besoin d’être "normale". D’être "comme tout le monde". De ne pas me différencier. D’aimer les même choses. De faire les mêmes choses. De suivre comme un mouton. Et tout ça pour ne pas paraître ridicule…


Et pourtant.


Qui est normal ? Qu’est ce que la normalité ? N’avons-nous pas plutôt envie de nous différencier ? De voir que ce qui nous anime, nous personnellement ? De constater que notre voisin n’est pas attiré par les mêmes choses ? Mais que si je partage ce que je vis, il pourra peut être s’intéresser à moi parce que c’est différent, nouveau, original ?


Qui décrète que tel ou tel sujet est normal ? Qui choisi que telle manière de s’habiller ou de se coiffer est normal ? Qui a le pouvoir de décréter ce qui est normal ou anormal ? Car j’ai envie de vous dire : personne n’est normal.


Si nous choisissons de tous rentrer dans les mêmes cases, alors nous allons finir par avoir le même mode de pensée ? Par tous vivre de la même façon ? Et peut-être par écouter une seule manière d'agir, de travailler et de réagir ?


Un autre exemple : je me souviens il y a quelques années, je ne portais jamais de jupes. Car ce n’était pas à la mode. Ou plutôt c’était ringard. Alors que j’adore ça. Il a fallu que j’apprenne à m’affirmer, à aimer mon style, à oser des choses, pour remettre des jupes.


Mais aujourd’hui quand j’y repense, c’était ridicule de réagir comme ça. Personne n’a le droit de me dire ce que je dois porter, acheter, ou privilégier. On peut me conseiller, si je le demande. On peut me complimenter. Mais qui a le droit de me mettre dans la case "ringarde" parce que je ne fais pas comme tout le monde ?


D’ailleurs dans cette quête d’être toutes habillées pareilles, il y a un sérieux problème : nous ne sommes pas semblables, nous sommes différentes, dans nos morphologies, dans notre personnalité, dans notre couleur de peau, dans notre manière de porter telle ou telle forme de vêtement. Donc même si nous choisissions de nous habiller de la même manière, il y aura celles qui seront valorisées et celles qui ne le seront pas. Osons porter ce qui nous va et ce qui nous met en valeur. Osons tester des choses qui nous attirent. Et n’ayons pas en tête à chaque nouvel essai : "est ce que je vais paraître ringarde ? Est ce que j’ai l’air ridicule ?" Mais plutôt : "est-ce que je me sens bien ? Est ce que je me sens valorisée ?". Car dans notre unicité, dans notre singularité, nous devons chacune trouver la manière de nous révéler nous-même.

Il y a quelques temps, j’ai compris, que notre plus belle chance, c’est d’être unique. C’est d’être nous-même. Pas notre voisine. Pas notre sœur. Pas notre collègue. Nous. Seulement nous. Et que c’est de notre devoir de percevoir qui nous sommes. C’est de notre devoir de goûter à ce que nous aimons. C’est de notre devoir de savoir ce que nous voulons. Car si nous ne faisons pas ce travail, alors qui le fera ?


Par exemple toi qui me lis : qui es-tu ? Qu’est-ce qui te différencie de ta famille ? De tes amis ? De la femme qui est assise à côté de toi ? Qu’est-ce qui fait que tu es toi ? Qu’est ce que tu peux apprendre, ou partager à une personne comme moi ? Je suis persuadée qu’il y a trois sujets que tu es capable d’aborder avec facilité et intérêt. Mais est-ce que tu en parles ? Est-ce que tu oses ? Est-ce que tu sors de toi pour transmettre ? Et en retour pour écouter ce que les autres ont à t’apporter ?


Pendant plusieurs années j’ai jugé les gens qui étaient selon moi "différents". Mais il y a deux ans, j’ai changé radicalement ma manière de voir les autres et j’ai appris à aimer. A aimer chacune des personnes que je rencontre. Je les aime en me disant que de toute façon la personne qui est en face de moi a quelque chose à m’apporter. A quelque chose à me transmettre, et à m’apprendre. Que sa vision de la vie est différente de la mienne, et que c’est une chance parce que nous pensons différemment. Que ses idées sont peut-être à l’opposé des miennes. Mais que c’est la richesse de ces échanges et de nos vies qui pose la beauté de chacun et chacune. Bien sûr ce n'est pas facile à mettre en pratique avec tout le monde, mais c'est tellement libérateur.  


Etre normal en fait ça n’existe pas. Et c’est ce que nous devons apprendre à cultiver. C’est ce qui doit nous animer : cultiver notre singularité. Faire nos propres choix. Et non attendre indéfiniment que telle personne, que telle action dicte nos actions. Prendre la décision de se marier, déménager, se reconvertir, s’habiller comme on le souhaite, se convertir, reprendre ses études, ça n'appartient qu'à nous.

Si vous avez envie de porter un bas de pyjama en allant au travail, qui vous l’interdit ? Si vous avez le désir de vous marier avec un étranger, qui vous dit de ne pas le faire ? Si ces actions vous révèlent, si elles parlent de vous, si elles partent de vous, et si elles vous rendent heureuse, alors allez-y ! Allez à leur rencontre, allez goûter à votre différence, aller goûter à votre unicité. Et apprenez à être vous, tout simplement.


Alors, êtes-vous normale ?


Marie-Liesse



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