Il y a deux sortes de gênes quand on parle de nos émotions désagréables : la gêne d'accueillir celle des autres et la gêne de livrer les siennes aux autres. C'est de la première gêne que je vais parler aujourd'hui, car notre monde est facilement gêné par les émotions des autres, par le vécu des autres, par la vérité des autres, nous amenant ainsi à ne pas dire ou ne pas recevoir qui est l’autre.
Pourtant, je vous le dis et vous le répète sur les réseaux sociaux : pour tomber amoureuse, il est impératif de s’ouvrir à la différence de l’autre, à l’histoire de l’autre, aux émotions de l’autre. Sans entrer dans une empathie excessive qui nous ferait vivre ce que l’autre à vécu, mais simplement en accueillant ce qui se vit ici.
Je me souviens petite, l’une de mes chères amies a perdu son papa. Très souvent, j’entendais dans la bouche de mes camarades "merde, j’ai fait une boulette, je lui ai demandé ce que fait son père dans la vie, et elle m’a répondu qu’il avait quitté ce monde. La honte sérieusement". Lorsque je relis ça, je me dis que nous avons clairement un problème avec la vérité des émotions et de la vie. Nous avons cette gêne, cette "honte", qui nous fait croire que nous ne pouvons pas aborder les vrais sujets parce que c'est délicat. Mais nous ne sommes pas des superwomans qui n’avons rien vécu de douloureux. Ces douleurs font partie de nous et il est important de les faire notre pour ne pas en avoir honte, pour en parler avec sérénité, pour faire le deuil nécessaire aussi et pour qu’il n’y ait pas de nœuds qui empêchent à nos relations d’être sincères.
Tout à l’heure, je prenais un café avec une personne que je n’avais pas vu depuis longtemps, et elle m’a parlé de la douleur qu’elle a vécu lorsqu’elle a perdu son enfant à plusieurs mois de grossesse. Elle était dans une vraie et profonde tristesse, elle était belle, elle était juste, elle était sincère. C’était un moment tellement juste que je m’y suis sentie bien. Car je n’ai pas essayé de trouver une solution, je n’ai pas essayé de cacher son émotion, je n’ai rien fait à part ACCUEILLIR.
Oui, je crois que l'accueil est ce qui peut nous manquer cruellement. Accueillir ce que vis l’autre, sans juger, sans essayer de comprendre non plus. Cette femme qui a perdu un bébé, m’avouait que ses parents tentaient "d’évacuer" le sujet, pour ne pas l’habiter, pour ne pas y être confronté. Par l’absence de dialogue, par la gêne de ce que ça pourrait faire remonter, par le besoin de délicatesse face à un tel événement, ses parents ne veulent pas aborder le sujet. Comme c’est dur.
Ça me fait penser à une pote du coworking qui a vécu un gros passage à vide l’année dernière. Elle arrive aujourd’hui à en parler très simplement et en toute vérité, et c’est canon. Et puis elle a décidé d’en parler sur les réseaux sociaux, pour montrer au monde qu’après la tempête vient le soleil. Sauf qu’elle m’a avoué à quel point c’était difficile de le partager sur les réseaux, parce que les gens jugent, sont gênés, n’accueillent pas tout simplement, la réalité de la vie.
Ça me fait aussi penser à une de mes amie qui a eu la simplicité samedi de me dire : "j'ai pas le moral, je peux passer". Mais bien sûr ! Et quand ses larmes ont coulé, elle était magnifique, car elle ne portait pas de masque, elle n'essayait pas d'être parfaite, elle ne tentait pas de se cacher. Elle était simplement elle. C'était si beau, que ça m'a fait pleurer.
Là, on est dans la réalité de la vie.
Oui, il s’agit de la réalité de la vie. La vie n’est pas que drôle et dans la joie. La vie ne ressemble jamais à ce qu’on s’est imaginé. Regardez-vous : est-ce que vous aviez imaginé être la femme que vous êtes aujourd’hui, avec votre boulot, votre situation affective, votre réalité, lorsque vous "rêviez" votre vie plus jeune ? Moi, clairement non. D’ailleurs ça me fait penser à une phrase que ma maman m’a dites cet été : "jamais, je n’aurais imaginé que ma vie ressemblerait à ça". C’est douloureux de se dire qu’on a tous des manques, des souhaits non réalisés, des envies non abouties, des blessures non cicatrisées. Mais en même temps, c'est notre histoire, notre vérité, notre beauté, car c’est toute notre unicité.
Alors aujourd’hui si je vous partage cela, c’est pour vous encourager à accueillir ce que vis l’autre, ce que vous partage l’autre. Prenez le temps d'accueillir ce que vous dit une personne qui souffre, d’accueillir la réalité douloureuse de ceux qui vous entourent, d’accueillir ce qui vous est partagé tout simplement. Au lieu de laisser la gêne vous envahir et donc de fuir la réalité, accueillez ce qui se vit là.
L’une de vous me partageait sa difficulté à prendre soin d’une de ses amies qui venait d’être abusée. Elle ne savait pas comment être présente, comment la soutenir, comme être là. Je crois que la meilleure réponse est justement celle d’être là. On ne peut jamais comprendre ce que vis quelqu’un. On ne peut jamais vivre ce que l’autre à vécu. Mais on peut accueillir toute son émotion, toute sa sensibilité et montrer que même sans mot, on est disponible.
Enfin, je crois que sur le sujet du célibat, il est important d’aller vivre cet accueil de ce que vous vivez. D’abord l’accueillir vous-même : oui, c'est votre réalité. Puis ensuite parler de ce que vous vivez. L’une de vous me disait encore hier "la patience et le temps sont importants, mais qu’est-ce que c’est dur parfois d’accepter son présent et de vivre les choses seule au quotidien". Oui, c'est très difficile et très douloureux de vivre les choses seule au quotidien, mais ça, vous avez le droit (et même le devoir) de le dire, de le partager, de l’exprimer, pour être accueilli dans toute votre vérité par ceux qui vous entourent et qui vous aiment.
C’est un sacré chemin, car de nombreuses personnes ne comprennent pas le célibat. De nombreuses personnes peuvent même être dures, décourageantes, nourrir des complexes. Mais c’est à vous d’entrer en dialogue pour leur montrer à quel point vous n’attendez qu’une seule chose : l’accueil de ce que vous vivez, sans fuite, sans honte, sans évitement. L’accueil de ce que vous êtes, tout simplement.
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Marie-Liesse
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